Procès First Quantum, signe d’une détérioration du climat des affaires en Mauritanie ? | Le calame
Le 4 mars dernier, une filiale de la société canadienne First Quantum Minerals a déposé une requête d’arbitrage auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) de la Banque Mondiale. Ce dépôt résulte d’un différend avec la République Islamique de Mauritanie concernant l’exploitation d’une mine de cuivre et d'or située dans cet État d'Afrique de l’Ouest. Outre les pertes potentielles que ce procès pourrait générer pour la Mauritanie en cas d’arbitrage défavorable, de tels litiges entre Etats et investisseurs ont souvent un impact néfaste sur l’image du pays et le climat des affaires qui y règne.
Une procédure qui nuit à la réputation du pays
En introduisant une demande d’arbitrage auprès de la Banque Mondiale, la filiale Mauritanian Copper Mines (MCM) envoie un message indirect à tout investisseur potentiel dans le secteur minier mauritanien. Selon un article récent de Global Arbitration Review, si l’objet de la plainte n’a pas encore été officialisé, il concernerait la suspension temporaire des activités de la mine de Guelb Moghrein en 2012 et 2014 en raison de protestations locales et de grèves des syndicats de travailleurs. Ce même article rapporte qu’un rapport du mois dernier, produit par First Quantum, souligne les risques d'"instabilité politique" et de "mauvaises conditions climatiques" en Mauritanie. Un constat qui rejoint les témoignages recueillis dans l’enquête annuelle du Fraser Institute sur les sociétés minières publiée en mars, « une gouvernance globalement peu claire, un comportement fiscal prédateur et une incertitude quant à la clarté des validations de licences et de l'application des réglementations », commente un opérateur minier présent en Mauritanie.
Des observations alarmistes qui ne sont pas anodines pour l’image du pays auprès des investisseurs, étant donné le poids de la société canadienne dans l’industrie minière mauritanienne. Guelb Mohrein est en effet l'un des plus gros investissements extérieurs dans le pays : cette mine de cuivre et d’or, située à 250 km au nord-est de la capitale, emploie aujourd’hui près de 1400 personnes (de nationalité mauritanienne pour la plupart), et contribue à hauteur de 5,6% du revenu national brut à l'économie du pays. Finalement, quelle que soit l’issue de la procédure, le différend entre MCM et la Mauritanie – enregistrée sous le nom « ICSID Case No. ARB/21/9 » – devrait nuire au climat des affaires.
Quand la défiance prend le dessus sur la confiance…
D’autant que ce différend auprès du CIRDI n’est pas une première pour la Mauritanie. Un autre recours avait déjà été déposé par auprès de cet organe de la Banque Mondiale par le passé : celui introduit par des filiales mauritaniennes du groupe Bumi qui avait finalement donné raison à l’Etat mauritanien en 2018. Si le CIRDI avait à l’époque condamné ces filiales pour « procédure abusive », ces demandes d’arbitrage pour des différends avec l’Etat mauritanien en disent long sur la relation que le gouvernement entretient avec les investisseurs. Une relation basée davantage sur la défiance que sur la confiance, et qui pourrait pousser d’autres investisseurs du secteur minier à aller voir ailleurs.
En effet, dans un secteur aussi compétitif que celui de l’industrie minière en Afrique de l’Ouest, ces procédures d’arbitrage à répétition pourraient refroidir certains investisseurs étrangers, par crainte de se retrouver embourbés dans des litiges longs et coûteux aussi bien pour les entreprises que pour l’Etat Mauritanien. Il est donc temps pour le gouvernement de changer de cap et de tenter de reconstruire une relation de confiance avec les investisseurs, vitale pour l’attractivité et le climat des affaires du pays.
En ce sens, le différend Mauritanian Copper Mines S.A. v. République Islamique de Mauritanie doit servir de piqure d’alerte pour les autorités mauritaniennes. La confiance des investisseurs est fragile, surtout dans un cadre aussi compétitif que celui de l’industrie minière africaine : il est essentiel de l’entretenir pour préserver son attractivité.
Ben Abdellah