En proie à d’importantes difficultés depuis de nombreuses années, la SOciété Mauritanienne d’ELECtricité (SOMELEC) entend se restructurer. C’est en ce but que le ministre du Pétrole, des mines et de l’énergie a présenté, lors de la session du conseil des ministres du 18 mai, une communication portant feuille de route de l’assainissement, amélioration des performances et restructuration de la SOMELEC.
Il y est d’entrée soutenu que ladite société représente « un volet essentiel du programme de transformation du secteur de l’électricité, incluant également la mise à niveau du cadre légal et institutionnel du secteur ».
La communication poursuit : « Le schéma de restructuration de la SOMELEC résulte d’une étude basée sur des recherches et analyses comparatives (benchmarking), réalisée avec l’assistance technique de l’Union Européenne, pour la mise en œuvre de sa séparation initialement prévue en deux entités : l’une chargée de la production et du transport, l’autre de la distribution et de la commercialisation.
Cette étude a mis en évidence la nécessité de fonder, en ce cadre, une troisième entité chargée de l’électrification rurale sur l’ensemble du territoire national, en plus de la société-mère (holding) qui centralisera certaines fonctions communes ».
« Cette évolution est justifiée », indique Abdessalam ould Mohamed Saleh, « par la volonté des pouvoirs publics de généraliser progressivement l’accès des populations au service de l’électricité dont le taux demeure très faible en milieu rural (inférieur à 10%), alors que les infrastructures d’électrification rurale n’ont pas vocation, de par leurs spécificités, à être rattachées aux segments production-transport et distribution-commercialisation susdits ayant à exercer leurs services dans les zones urbaines et semi-urbaines desservies par le réseau national interconnecté.
En effet, les infrastructures d’électrification en milieu rural non connecté au réseau national ont toujours été traitées en systèmes isolés intégrés, composés d’unités de production et de réseaux de distribution destinés à alimenter des localités non desservies par le réseau national et gérées à cet effet par des contrats de délégation de service public (DSP).
En raison de la dispersion de ces localités et pour bénéficier des progrès technologiques dans le domaine des mini-grids qui permettent de déployer des solutions innovantes, fiables et offrant un service d’électricité de qualité à moindre coût, une structure dédiée à ce domaine est nécessaire ».
Quatre sociétés en voie de constitution
En conférence de presse, Abdessalam ould Mohamed Saleh poursuit son explication : « la nouvelle restructuration de la SOMELEC propose donc la fondation de quatre sociétés qui seront organisées, conformément aux objectifs du Code de l'électricité, afin d'assurer sa pérennité et d'éviter les subventions croisées anticoncurrentielles.
La société-mère aura mission de centraliser les fonctions organisationnelles communes du groupe, comprenant notamment la gestion des projets de développement, les remboursements de créances, l'école des professions du secteur, le système d'information (infrastructures informatiques, transformation numérique et approvisionnement en combustible).
L’entité « production et transport » aura en charge la gestion des échanges d’énergie électrique au niveau national (avec la filiale en charge de la distribution avec les opérateurs privés, avec les miniers, etc.) et avec les pays de la sous-région, au bénéfice notamment de l’exploitation des ressources gazières récemment découvertes, ainsi que dans le déploiement rapide des énergies renouvelables, abondantes et jusqu’ici sous-exploitées.
Compte tenu du volume des investissements et l’expertise requise pour opérer ces infrastructures, le capital de cette société pourra à terme être ouvert à des opérateurs privés pour alléger la dette de l’État.
L’entité « distribution et commercialisation » dans les zones couvertes par le réseau national interconnecté aura en charge la gestion des postes et des lignes moyenne tension (MT) et basse tension (BT).
Cette filiale assurera la vente de l’électricité produite par l’entité « production et transport » aux clients utilisant ces lignes. Quant à l’entité chargée de l’électrification rurale, elle assurera le suivi des mini-réseaux isolés gérés actuellement dans le cadre de contrat DSP de type concessif, d’une part, et, d’autre part, la réalisation et/ou l’exploitation des petits systèmes envisagés à l’avenir pour l’électrification du milieu rural.
[…] À partir des avancées technologiques bien connues dans le domaine des micro-réseaux », précise-t-il, « cette société permettra la mise en œuvre de solutions innovantes et fiables offrant un accès de ces populations aux services de haute qualité et à faible coût, grâce aux énergies renouvelables ».
Et de donner quelques échéances : « Au cours de ce mois de Mai, le ministre des Finances désignera un commissaire aux apports pour valoriser les actifs à affecter à chacune des filiales, évaluation qui sera annexée à leurs statuts, tel que prescrit par l’Article 220 du Code de commerce.
Chaque filiale tiendra une Assemblée Générale constitutive pour adopter ses statuts et désigner ses dirigeants en Juin 2022, avant l’approbation du Code de l’électricité (Conseil des ministres puis Parlement) ».
Séparation de corps
Sur le plan opérationnel, les actions seront préalablement finalisées : séparation comptable des activités, inventaire des immobilisations et établissement de bilans provisoires d’ouverture pour chaque filiale, ce qui implique la nécessité de statuer au préalable sur le traitement que le Gouvernement compte réserver à la dette rétrocédée (22,2 milliards de MRU). Dans le cadre de la séparation des effectifs, des procédures internes régissant les rapports entre la société-mère et les filiales seront définies.
En fait, la SOMELEC s’est déjà inscrite depuis début 2021 dans la réforme, à travers la mise en place d’une organisation adéquate pour mettre en place le schéma susdit. En outre, les actions requises pour cette restructuration, notamment l’inventaire des immobilisations et la séparation comptable, sont déjà bien engagées et devraient s’achever avant la fin du mois de Juin 2022 ».
Toujours selon Ould Mohamed Salah, « la SOMELEC a entamé la mise en œuvre d’un programme à plusieurs niveaux dont la priorité est d’améliorer significativement son rendement global, à savoir le ratio de l’énergie facturée sur l’énergie produite, ainsi que le niveau de recouvrement.
Cela s’est traduit par la progression de 3,34% du taux de rendement global. Il est passé de 62% en 2019 à 65,34% à fin 2021, avec une nette amélioration des encaissements (+18%) entre 2020 et 2021. L’objectif de porter le rendement global du Groupe « SOMELEC restructurée » à 80% à l’horizon 2024 est maintenu, soit une progression annuelle de 5 points environ.
Les actions suivantes permettront d’accélérer la tendance d’amélioration observée en 2021 : renforcer les ressources humaines (à travers l’intégration progressive des employés temporaires et le recrutement de soixante-dix nouveaux ingénieurs et cadres ; mise en place d’un programme de formation avec l’appui des partenaires au développement; organiser le suivi rapproché des gros consommateurs, ainsi que l’installation de compteurs intelligents ; lancement d’un important projet de mise en place d’un système de comptage par poste et par départ, pour identifier les centres et zones où se situent les pertes commerciales ; campagne de normalisation de branchements et de comptages des abonnés ; modernisation et dématérialisation de toutes les fonctions commerciales.
[…] Il est également envisagé d’améliorer les performances technico-commerciales, en recourant, dans le cadre de la législation en vigueur, à des mécanismes mieux adaptés de délégation de service public d’électricité relatif à la facturation et au recouvrement des coûts, inspirés de l’expérience des pays voisins. […] les audits techniques et financiers de la SOMELEC sont en cours.
Le rapport final y afférent sera achevé avant fin Juin 2022, grâce à la facilité d’assistance technique de l’Union Européenne (TAF). Un diagnostic réalisé en interne a déjà permis d’avoir une meilleure visibilité sur la situation technique et financière de la SOMELEC ».
Relativement à la tarification, Ould Mohamed Salah a affirmé qu’« une étude tarifaire approfondie est en cours de préparation avec l’appui de la Banque Mondiale. En attendant ses résultats, la SOMELEC a déjà recruté un consultant international en vue de réaliser une étude tarifaire simplifiée avec pour objectif de revoir les niveaux tarifaires actuels tenant compte des coûts de production réels, suite notamment à l’introduction significative des énergies renouvelables dans les systèmes électriques de la société.
Le premier rapport de cette étude a été récemment soumis à la SOMELEC. Son exploitation est en cours. Les remarques et observations sur ce rapport seront transmises incessamment au consultant dont le rapport final est attendu avant la fin du mois de Juin 2022.Il y a lieu de noter qu’un modèle financier a été mis en place grâce à cette assistance d’équilibre pour l’exercice 2022.
Cela dit, la situation de la trésorerie est jugée « alarmante » et nécessite la mise en place sans délai d’une subvention budgétaire. Selon Ould Mohamed Salah, « l’impact de la hausse des prix des hydrocarbures sur les charges de fonctionnement dégage un déficit de 1,8 milliards de MRU par rapport aux prévisions budgétaires de l’exercice en cours.
Pour asseoir la restructuration de la société sur une base équilibrée, ce déficit est à résorber par une subvention de valeur égale. En effet, le prix du m3 de fuel – 80% des charges de fonctionnement – a enregistré depuis le début de l’année 2022 une hausse de 71% pour le fuel et 48% pour le gasoil, par rapport aux prix moyens de l’année 2021 ».
On l’entend bien : l’effort de redressement entamé depuis 2020 voit plus loin que la conjoncture. S’il lui faut l’intégrer, posément ; prévoir son éventuel durcissement ; il doit toujours pouvoir garder son cap…
Synthèse Thiam Mamadou