Plus d’un mois après l’ouverture d’un arbitrage contre l’Etat mauritanien par l’entreprise Mauritanian Copper Mines(MCM), et alors que des analyses se multiplient concernant le développement d’un secteur minier informel et ses implications en matière de financement du terrorisme, il est temps de comprendre ce qui cloche dans la gestion actuelle du secteur minier du pays.
Représentant 38% du PIB et 80% des exportations totales, les industries extractives constituent le cœur de l’économie mauritanienne : dès lors, l’Etat doit se montrer vigilant pour éviter d’étouffer le secteur qui aujourd’hui fait vivre le pays tout entier.
C’est pourtant l’inverse que les autorités ont choisi pour l’instant, rendant la vie dure aux investisseurs étrangers par une fiscalité hostile, des normes exigeantes auxquelles les orpailleurs n’ont pas à se soumettre, ou d’autres embûches de la sorte.
MCM, l’arbre qui cache la forêt ?
Le cas de MCM, la filiale du géant canadien First Quantum Minerals qui a récemment ouvert une plainte contre l’Etat mauritanien est symptomatique de cet acharnement dont les autorités font preuve vis-à-vis de leurs investisseurs étrangers.
En effet, en plus d’imposer une taxation extrêmement exigeante à ces entreprises, certains signes semblent prouver que l’Etat va plus loin en abusant de cette générosité fiscale de la part des grandes compagnies étrangères.
L’issue de l’arbitrage lancé par MCM auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) sera en ce sens un tournant important car il enverra un message décisif aux investisseurs du monde entier.
S’il est avéré que l’Etat a effectivement abusé fiscalement de MCM, la confiance entre investisseurs et politiques sera durement affectée et la reconstruction sera longue.
Le fait que MCM ait choisi de quitter le sol mauritanien plutôt que de continuer à investir en dit déjà long sur le traitement hostile des autorités fiscales, a fortiori dans un environnement commercial difficile.
En effet, la fiscalité n’est qu’un des facteurs explicatifs du manque de compétitivité de la Mauritanie auprès des investisseurs. Un autre aspect important est le système à deux vitesses de l’industrie extractive du pays : là où les compagnies étrangères s’acquittent d’une taxation exorbitante et respectent un cahier des charges extrêmement rigoureux, leur travail est freiné par l’arrivée d’une multitude d’orpailleurs artisanaux à qui on laisse presque carte blanche.
Un manque à gagner pour l’Etat
Pourtant, à l’heure où certains comme MCM préfèrent jeter l’éponge face aux embûches semées par l’Etat mauritanien, d’autres entreprises étrangères continuent à croire à une amélioration du climat d’investissement dans le pays. C’est notamment le cas du canadien Kinross qui exploite la mine de Tasiast, dans le centre-ouest du pays, depuis 2010.
En plus de générer des revenus fiscaux significatifs et de respecter un droit du travail quasi dissuasif par son exigence, ces entreprises étrangères sont une véritable source d’emploi pour la population : selon ses données, Kinross emploie ainsi plus de 97,5 % de travailleurs mauritaniens dans sa mine.
Pourtant, quand des entreprises acceptent de satisfaire toutes les exigences des autorités mauritaniennes, elles ne sont pas exemptes de l’acharnement étatique. Pour poursuivre sur l’exemple de Tasiast, Kinross avait accepté en juin 2020 de s’acquitter du taux de royalties le plus élevé d’Afrique pour obtenir la licence de Tasiast Sud, après de longues négociations avec l’Etat.
Si cet accord constituait une aubaine pour l’économie mauritanienne, il n’est pas encore entré en vigueur car certains détails techniques restent à valider et l’Etat semble prendre son temps sur ce dossier.
Une situation d’autant plus incompréhensible étant donné les plans de contenu local proposés par Kinross qui se traduiraient par des emplois mauritaniens, notamment pour les travailleurs ayant perdu leur poste suite au départ de MCM.
A force de jouer sur les nerfs de ses investisseurs étrangers, c’est tout un pan de son économie que l’Etat mauritanien met en danger. En retardant la mise en place de concessions minières et en se montrant excessivement exigeant vis-à-vis des entreprises étrangères, la Mauritanie pourrait à terme disparaître définitivement des radars des investisseurs pourtant essentiels pour le développement du pays.
Ben Abdalla