La Mauritanie et le Sénégal doivent encore patienter pour bénéficier des dividendes des premiers mètres cubes du gaz de leur projet Grand Tortue Ahmeyin. A cause du Covid-19, British Petroleum a confirmé le report de l’exploitation à 2023. C'est dire que la rente gazière est aussi reportée.
Comme il fallait s’y attendre, le groupe pétrolier britannique British Petroleum, chef de file du consortium en charge de l’exploitation du champ gazier offshore Grand Tortue Ahmeyin à cheval entre la Mauritanie et le Sénégal, et comprenant l’américain Kosmos Energie et les deux Etats (Mauritanie et Sénégal), a officiellement annoncé le report du début d’exploitation de cet important projet Initialement prévu en 2022, le démarrage du projet est désormais programmé pour 2023.
L’annonce officielle a été faite par Fatoumata Sow, la directrice des affaires extérieures de British Petroleum, lors d’une table-ronde sur la gouvernance des ressources naturelles initiées par l’Observatoire de suivi des indicateurs de développement économique en Afrique (OSIEDA) qui portait sur le thème: «Les impacts socio-économiques de la crise sanitaire sur l’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal».
Ce report est justifié par la pandémie du Covvid-19 qui a touché de plein fouet les activités du pétrolier britannique, l’une des majors du secteur pétrolier mondial, qui devrait enregistrer des revenus en forte baisse.
Et pour cause, la baisse de la demande mondiale de l’or noir, suite au ralentissement de l’économie mondiale et des impacts du confinement et de la fermeture des frontières des Etats, entrainant l’arrêt du transport aérien. Le géant britannique a perdu 4,4 milliards de dollars au titre du premier semestre 2020.
Une situation qui a aussi fait pencher les prix du gaz, corrélés à ceux du baril de pétrole, vers le bas. De même, l’intérêt grandissant des Etats et majors du secteur pour les énergies renouvelables a aussi un peu réduit les motivations de la major britannique qui, à l’instar d’autres acteurs du secteur, souhaite accélérer son virage vers le renouvelable.
Du coup, face à des rentrées en baisse, le géant pétrolier a été obligé de reporter les investissements prévus en 2020 sur son projet GTA et concernant la phase 1 de la mise en place d’une unité flottante de GNL.
Pour rappel, cette phase 1 va permettre l’extraction du gaz à partir d’une plateforme et son acheminement sur 80 km jusqu’à une unité flottante de liquéfaction. Les travaux de la phase 1 ont été réalisés à hauteur de 40%. Un retard qui se justifie par les effets du confinement à cause du Covid-19.
Une fois totalement réalisée, cette première phase devrait permettre la production de 2,5 millions de mètres cube par an, grâce aux deux premiers puits. Les phase II et III du projet devrait porter la production à 10 millions de mètres cubes, grâce à plus d’une dizaine de puits.
Pour rappel, le champ gazier du GTA dispose des réserves gazières estimées à quelques 425 milliards de mètres cubes de gaz contenues dans des réservoirs sous-marins sur la frontière maritime entre la Mauritanie et le Sénégal.
Ce qui en fait un gisement de classe mondiale avec la découverte à Bir Allah (zone mauritanienne) d’un nouveau réservoir devant augmenter les réserves du champ de 50%. L’exploitation sur au moins 20 ans devrait générer un pactole estimé entre 80 et 90 milliards de dollars de recettes pour les deux Etats.
Du coup, le report se traduira inéluctablement par celui des premiers dividendes gaziers pour les deux pays qui ont décidé d’un partage équitable des ressources du champ GTA. Une situation qui risque de peser sur les budgets à venir des deux pays qui se sont endettés dans la perspective de l’arrivée de la rente gazière.
Commentant ce report, la ministre du Pétrole et des énergies du Sénégal, Aissatou Sophie Gladima, a souligné que «malgré les impacts socio-économiques de la crise sanitaire liée au Covid-19 sur l’exploitation du pétrole et du gaz, nos partenaires ont pris fort heureusement l’engagement de faire tout leur possible pour minimiser les impacts sur les délais de production des premiers mètres cubes de gaz et de baril de pétrole».
Par Moussa Diop