En Mauritanie, la ville minière et poussiéreuse de Chami est sortie du désert entre 2013 et 2015, à 235 kilomètres au nord de la capitale Nouakchott.
Depuis, la population est passée d’une soixantaine à 13 000 habitants, la majorité étant des orpailleurs à la recherche de l’or, habitant loin de leur famille et pour beaucoup clients de prostitution. Un phénomène qui s'accompagne d'une hausse du risque de contamination au VIH-Sida. Une association communautaire s’est donc récemment implantée pour faire de la prévention et dépister les potentiels cas de VIH.
Sous un soleil brûlant, des orpailleurs portent des sacs de pierres et traitent l’or avec du mercure. Ils travaillent 12 heures par jour et habitent sur place dans de petites baraques en taule.
Omar,19 ans, est venu seul de Nouakchott. Il avoue fréquenter des professionnelles du sexe plusieurs fois par mois. « Parfois, je descends en ville pour voir les femmes qui sont là-bas pour m’amuser un peu, parce qu’ici je ne vois pas les filles. Pour les grosses et les plus âgées, on leur donne 300 ouguiyas, mais aux plus fraîches on donne 400 à 500 ouguiyas, soit entre 7 et 12 euros environ. Tout le monde met des préservatifs ici, on est conscient du danger du VIH. Ce sont les prostituées qui ont les préservatifs », raconte-t-il.
Ces préservatifs sont distribués par l’association mauritanienne SOS Pairs Éducateurs. Leur cible : les travailleuses du sexe, car 9% d’entre elles vivent avec le VIH, alors que le taux de prévalence n’est que de 0,3% dans la population générale.
Zeyna, gérante d’un restaurant qui est aussi une maison close, a été sensibilisée au VIH. « Il faut se faire tester tous les mois, parce que c'est une maladie grave. Ce n'est pas normal de coucher sans préservatif. Les gens nous donnent des médicaments, des préservatifs, mais ils ne sont pas utilisés. Si on te trouve avec sur toi, c'est une preuve que tu te prostitues, que tu as des relations, ce que l'on considère comme un délit », confie-t-elle.
La prostitution et les relations sexuelles hors mariage sont pénalisées, alors jamais Zeyna ne mentionne directement son métier, même avec Amadou Diop, acteur communautaire de l’association.
« La parole ne sera pas directe. C'est aussi un signe de respect. À la longue, peut-être que ces mots seront directs. Avant, c'est nous qui venions à chaque fois demander si l'on pouvait discuter un peu du VIH et des infections sexuellement transmissibles en général. Maintenant, c'est eux qui viennent vers nous. Ça prouve qu'on progresse »
Un kiosque fixe est implanté depuis juin dernier à Chami. Mais les militants continuent à faire du dépistage mobile et communautaire, précédé de conseils et d’informations sur le VIH.
Sous une tente en plein cœur de la ville, Abderrahmane Bezeid, chargé des programmes, insiste sur la confidentialité du processus. « Nous, on ne demande pas à la personne son nom. On a un code qui est attribué à chaque personne qui vient ici. C'est aussi pour que la personne ne soit pas stigmatisée, même en cas de positivité », explique-t-il.
En une seule journée, 84 volontaires se sont fait dépister gratuitement.
De notre envoyée spéciale à Nouakchott, Théa Ollivier