Selon un récent rapport, la transition énergétique dans les pays du Sud risque d’être ralentie, puisque l’électricité verte sera exclusivement utilisée pour alimenter les complexes de production d’hydrogène alors que les combustibles fossiles continueront à couvrir les besoins locaux.
Depuis plusieurs mois déjà, le gouvernement mauritanien se voit proposer des projets de grande envergure destinés à la production de l’hydrogène vert et ses dérivés. Le dernier en date est celui de la danoise GreenGo Energy qui rejoint d’autres grands groupes énergétiques tels que CWP Global et Chariot.
Si ces projets suscitent un fort engouement du côté des autorités mauritaniennes qui espèrent des retombées économiques conséquentes, ils devraient également inquiéter au vu des enjeux énergétiques, sociaux et environnementaux liés à leur développement.
Rien que la capacité du dernier projet proposé, de 60 GW, fait 12 fois la puissance installée globale du parc national de la société d’électricité SOMELEC, qui s’élève à 490 MW. Alors que plus de 50 % de la population mauritanienne n’a pas accès à l’électricité, il est légitime de se demander si le dossier hydrogène ne va pas détourner l’attention sur la nécessité d’accélérer l’électrification. La possibilité que le pays devienne un exportateur net d’hydrogène alors qu’une grande partie de sa population n’a pas accès à l’électricité n’est pas à exclure.
Outre l’aspect énergétique, ces nombreux projets d’hydrogène vert finiront par avoir un impact considérable sur les ressources terrestres du pays. En effet, les parcs éoliens et solaires destinés à alimenter les usines d’hydrogène en énergie renouvelable, ainsi que les ports et les pipelines pour le transport de l’hydrogène, nécessitent de vastes étendues de terre. Si les projets se multiplient, cela peut entraîner le déplacement de communautés et peut-être des violations des droits de l’homme.
Par ailleurs, l’installation des infrastructures nécessaires le long des côtes et dans les eaux mauritaniennes pour la production et l’acheminement de l’hydrogène, risque probablement de causer des dommages environnementaux importants, alors même que les côtes mauritaniennes sont considérées comme les plus poissonneuses du monde, offrant des revenus et des milliers d’emplois.
Toutes ces appréhensions ne remettent pas en cause les possibles avantages de l’hydrogène vert, notamment en termes de revenus financiers. Selon un récent rapport du cabinet d’audit et de conseil Deloitte, l’Afrique du Nord pourrait engranger des recettes de 110 milliards de dollars en 2050 grâce à l’exportation de l’hydrogène vert.
Abdoullah Diop