Alors que le secteur énergétique mondial montre depuis un moment des signes de fragilité, le nucléaire revient sur le devant de la scène.
Selon les analystes, cette nouvelle donne devrait se traduire par une hausse de la demande d’uranium sur le reste de la décennie. La demande d’uranium devrait connaitre entre 2021 et 2030 une croissance de 27%, puis grimper de 38% entre 2031 et 2040.
Selon un rapport publié en mars 2023 par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels de plusieurs secteurs, la Namibie, le Niger, l’Afrique du Sud, le Malawi et la Mauritanie sont les cinq pays africains les mieux placés à l’heure actuelle pour profiter des nouvelles opportunités du marché.
D’après le document intitulé « L’uranium africain vers un nouvel âge d’or : les projets et les enjeux », les trois premiers pays cités font partie du top 10 des pays détenant les plus grandes ressources du combustible nucléaire. La Namibie et le Niger sont les plus grands producteurs d’uranium du continent, et devraient le rester sur les prochaines années.
En Namibie, le principal projet qui devrait permettre d’augmenter les niveaux de production est celui de Tumas, piloté par Deep Yellow. Selon les estimations, il devrait produire annuellement 3,6 millions de livres d’uranium sur 22 à 25 ans. Quant au Niger, qui était jusqu’en 2015 le premier producteur africain, il travaille sur plusieurs nouveaux projets. Le projet Dasa piloté par Global Atomic a par exemple la capacité de livrer annuellement 4,4 millions de livres d’uranium sur 12 ans et son entrée en service est prévue pour cette année. Elle sera suivie en 2025 par l’entrée en production du projet Madaouela, développé par GoviEx qui vise une production de 50,8 millions de livres d’uranium sur 19 ans.
En dehors de la Namibie et du Niger, le Malawi essaie, avec le soutien de la compagnie Lotus Resources, de relancer sa mine de Kayelekera qui avait arrêté ses opérations en 2014 en raison de la faiblesse des prix. Pendant ce temps, en Mauritanie, Aura Energy table sur 2024 pour l’entrée en production de son projet Tiris, qui devrait livrer 12,4 millions de livres d’oxyde d’uranium sur 15 ans.
Pour le marché international et pour un marché africain
Si la guerre russo-ukrainienne a « montré la fragilité du secteur énergétique européen qui traverse depuis une crise » poussant les puissances européennes à chercher des alternatives à l’approvisionnement russe en divers combustibles, le rapport indique que « la tendance qui se fait de plus en plus pressante depuis quelques années porte sur l’utilisation du nucléaire pour la réussite de la transition énergétique ».
Si cette forme d’énergie a été boudée depuis l’accident de Fukushima au Japon, avec des plans de fermeture de centrales nucléaires dans plusieurs pays, le nucléaire est toujours d’actualité plus d’une décennie après.
Citant les données de l’Association nucléaire mondiale, l’auteur du rapport, Louis-Nino Kansoun, indique qu’il « existe environ 440 centrales nucléaires dans le monde, qui ont besoin d’environ 180 millions de livres d’uranium chaque année ». Au-delà des centrales en service, il y avait en 2019, 57 centrales en construction dans 16 pays, et 147 projets de construction de centrales et 337 projets de réacteurs, selon une autre source évoquée dans le document.
S’il existe une place pour l’uranium africain sur le marché international, et ce, pour le reste de la décennie au moins, le rapport d’Ecofin Pro indique aussi qu’un marché local du nucléaire se développe sur le continent. Le 9 mars 2023, la ministre ougandaise de l’Énergie et des Mines, Ruth Nankabirwa, a annoncé que son pays voudrait accroitre sa capacité de production d’électricité avec la mise en service de sa première centrale nucléaire d’ici 2031.
« L’Égypte a par exemple lancé en 2022 la construction de sa première centrale nucléaire. Le Nigeria, le Soudan, le Rwanda ou encore le Ghana prévoient également d’associer le nucléaire à leur mix énergétique entre 2030 et 2037 […] », écrit l’auteur, qui indique que ce marché local naissant pourrait bénéficier de la hausse de production d’uranium qui se profile sur le continent.
Toutefois, alors qu’un nouvel âge d’or s’annonce pour le secteur africain de l’uranium, le rapport d’Ecofin Pro indique qu’il faudra que tous les producteurs et futurs producteurs n’oublient pas la question de l’impact sur l’environnement des déchets radioactifs. Par le passé, ce risque a déjà été mal géré dans plusieurs pays et il faudra de meilleures stratégies pour ne pas commettre les mêmes erreurs.