La grande messe du secteur extractif africain a eu lieu au Cap. Au menu l’édition 2022, hydrogène vert et ESG pour mener la quatrième révolution industrielle.16 mai 2022 à 14:06
Par Gaëlle Arenson - envoyée spéciale au Cap
Mis à jour le 17 mai 2022 à 16:10
« Transition énergétique », « ESG [Environmental, social and governance – critères environnementaux, sociaux et de gouvernance] », « hydrogène vert » resteront les maitres mots de la rencontre Investing in Mining Indaba 2022, figurant à l’ordre du jour de tous – ou presque – les panels de présentation. Pour le continent, et en particulier pour l’Afrique du Sud hôte de cet évènement depuis une vingtaine d’années, l’urgence est particulièrement palpable sur le front de la décarbonation. Le pays dépend à 70 % du charbon pour son mix énergétique, tandis que son taux de chômage, de plus de 35 %, est l’un des plus élevés d’Afrique. Comment négocier la réduction du recours à cette énergie fossile sans aggraver encore la situation de l’emploi ?
Le ministre sud-africain des Minéraux et des Ressources énergétiques, Gwede Mantashe, a fixé la tonalité du débat dès l’ouverture de la conférence le 9 mai : « Le courage, c’est la capacité à surmonter et à gérer la peur ». Le pays doit se retrousser les manches pour prendre, en marche, le train de la quatrième révolution industrielle, a-t-il encore déclaré.
Pour Demetrios Papathanasiou, directeur monde Énergie et industries extractives de la Banque mondiale, « il nous faut avancer, il nous faut réduire nos émissions, nous sommes déjà en retard ». Tshokolo Nchocho, DG de l’Industrial Development Corp (IDC) sud-africaine conclut : « Nous ne pouvons nous permettre de manquer les opportunités industrielles liés à la transition énergétique. Et en même temps, nous ne pouvons tolérer un processus où de nombreuses personnes sont laissées sur le bord du chemin, nous nous devons d’être inclusifs ». La feuille de route est fixée.
Sous-investissement chronoque dans la recherche
D’autant que tout est loin d’être négatif sur le front minier sud-africain. La nation arc-en-ciel abrite 70 % des réserves mondiales des métaux du groupe du platine (PGM), essentiels dans le procédé de fabrication de l’hydrogène vert. Mais le gouvernement saura-t-il mettre en place les politiques industrielles fortes pour développer cette filière quand d’autres pays les ont déjà enclenchées, à l’instar du Maroc et de l’Égypte ?
« Nous sommes mobilisés pour saisir les opportunités de l’économie de l’hydrogène », rassure le président sud-africain Cyril Ramaphosa, ancien entrepreneur notamment dans les mines, citant la mise en service inaugurale la semaine précédente, par Anglo American, du plus gros engin minier au monde fonctionnant à l’hydrogène vert, sur le site de Mogalakwena (platines).
Et Ramaphosa d’aller plus loin : « Nous nous engageons à apporter les aides nécessaires à une nouvelle vague d’exploration dans le nickel, les terres rares et le cuivre ». L’industrie minière sud-africaine, et plus largement africaine, souffre de sous-investissement chronique dans la recherche et l’identification de nouveaux gisements, en particulier depuis la crise de 2014. Les réserves de minerais sont mises en valeur, mais ne sont pas remplacées.
Miser sur le cuivre ?
Le métal rouge, à usage transverse à quasiment tous les niveaux de la transition énergétique, est en effet l’autre grande star de la conférence, à bas bruit. Même si les « capitaines du mining » en ont déjà saisi son enjeu. Au déjeuner de presse de Barrick, son emblématique dirigeant Marc Bristow – chantre inconditionnel de l’or – explique sans ciller que « le cuivre est le métal le plus stratégique à l’heure actuelle : pour décarboner le monde, vous avez besoin de cuivre ».
Pour Hakainde Hichilema, le président zambien élu en août 2021, autre invité d’honneur de l’Indaba 2022, la route est particulièrement ardue. Le mandat de son prédécesseur Edgar Lungu a laissé la filière cuprifère exsangue au moment où, ironie du sort, le cours du métal a dépassé la barre des 10 000 dollars la tonne.
Ces dernières années, Vedanta et Glencore se sont retirés respectivement des Konkola Copper Mines et des Mopani Copper Mines, renationalisées par le gouvernement. Si bien que le nord-américain First Quantum se retrouve aujourd’hui unique opérateur de cuivre du pays, qui enregistre une production annuelle de 850 000 tonnes.
Initiatives de redressement
Qu’à cela ne tienne, Hichilema a déclaré fixer comme objectif de production de la Zambie 3 millions t/an. « We’re open for business », a-t-il appelé à l’endroit des acteurs clé du cuivre dans le monde. « Nous avons une tolérance zéro pour la corruption, la Zambie est gouvernée par l’État de droit. Nous rassurons les investisseurs sur la sécurité de leurs actifs. Nous soutenons nos opérateurs locaux, mais sans recourir au nationalisme des ressources », a encore plaidé le président zambien, ancien homme d’affaires.
Parmi ses premières initiatives pour redresser l’industrie depuis sa prise de poste, l’abaissement de l’impôt sur les sociétés, la réintroduction de la déductibilité des royalties, la suspension ponctuelle de l’attribution de permis pour nettoyage et digitalisation du service du cadastre « afin de déraciner la corruption endémique au secteur ».
Et la signature le mois dernier d’un mémorandum d’entente avec sa voisine, la RDC, pour développer une chaîne de valeur dans les batteries électriques. En 2021, la RDC a généré 1,8 million t/an de métal rouge, plus du double de la Zambie. Sans parler du cobalt, autre métal clé de la transition énergétique dont le pays recèle 50% des réserves mondiales, et dont la Zambie dispose aussi en quantité, mais qu’elle n’a jamais développé.