Entretien exclusif avec Abdessalam Ould Mohamed SALEH, ministre mauritanien du Pétrole, des Mines et de l’Energie.
Ministre mauritanien du Pétrole, des Mined et de l’Energie depuis août 2020, Abdessalam Ould Mohamed SALEH s’est entretenu avec Financial Afrik sur les enjeux de la transition énergétique de la Mauritanie, la place du gaz dans la nouvelle donne géopolitique mondiale et la place des autres énergies fossiles dans le processus de développement.
C’était en marge d’un forum tenu le 24 mai à Nouakchott et intitulé : "accélérer la transition énergétique et construire une industrie des métaux verts en Mauritanie". Exclusif.
Les principaux secteurs de nos économies africaines dépendent fortement des énergies fossiles responsables du réchauffement climatique dans le monde. Comment faire pour inverser la donne et assurer la transition énergétique ?
La problématique de la transition énergétique se pose très différemment dans les pays développés et dans les pays en développement. Pour les premiers qui disposent déjà d’un accès à l’énergie de plus de 100%, il s’agit de substituer des énergies propres aux énergies fossiles. Ils peuvent donc accélérer leur transition énergétique sans coûts majeurs. Pour nos pays en développement, et singulièrement l’Afrique, la priorité c’est d’abord d’assurer l’accès universel à l’énergie et pour cela nous aurons encore pendant longtemps l’usage des énergies fossiles. Il importe cependant de souligner que les énergies fossiles ont des contenus en carbone différents les uns des autres. Par exemple, le gaz a été reconnu par l’Union Européenne comme une énergie de transition, ce qui est une bonne nouvelle pour la Mauritanie, pour le Sénégal et pour d’autres pays Africains.
En ce qui nous concerne, notre pays dispose à la fois d’énormes ressources gazières et de d’énergies renouvelables. C’est pourquoi, nous avons lancé une stratégie de transition énergétique ambitieuse, qui comporte plusieurs volets et se déroule sur le moyen et le long terme.
Nous venons ainsi de finaliser une étude de décarbonation du secteur de l’énergie qui a abouti à la mise en place d’une feuille de route de transformation du secteur qui commence par la production de nos ressources selon les technologies conventionnelles, l’utilisation du gaz comme combustible principal en remplacement du fuel et du diesel dans les différents secteurs de l’industrie dont principalement la production de l’électricité (Gaz to Power)et le transport, puis l’introduction des nouvelles technologies de gaz à basse contenance en carbone comme la production de l’hydrogène bleu et les concepts de capture de carbone. A long terme, notre potentiel en énergies renouvelables (éolienne et solaire) sera notre atout principal pour accélérer notre chemin vers la transition énergétique. A cet égard, nous avons mis en place une feuille de route pour l’hydrogène vert et nous travaillons actuellement à travers plusieurs protocoles d’entente avec nos partenaires pour le développement de projets d’hydrogène vert de grande ampleur.
L’utilisation en synergie de nos diverses ressources énergétiques – gaz et énergies renouvelables – et minières devraient contribuer à terme à transformer profondément la structure de notre économie.
Aujourd’hui, certains pays de la sous-région Ouest africaine dont la Mauritanie ont annoncé de grandes découvertes de gaz et du pétrole. Faut-il opter pour la formule de partenariat avec partage de production ou se limiter au schéma de concession ?
Pour la Mauritanie, le code des hydrocarbures bruts de 2010 a instauré le modèle de contrat de partage de production. Un contrat type a été ainsi adopté et tous nos contrats signés depuis sont dans ce mode CPP.
Nous sommes à la veille des exportations du gaz provenant du projet GTA. Que doit faire l’Etat pour positionner en amont et en aval les entreprises mauritaniennes dans les services et prestations autour du projet GTA et les autres projets dans le futur ?
L’industrie du gaz est comme vous le savez tout à fait nouvelle pour la Mauritanie. Nous venons de compléter l’étude du plan directeur du gaz qui a identifié vingt et une opportunités d’investissement le long de la chaîne de valeur.
Des zones dédiées au développement de l’industrie ont été identifiées et des appels d’offres pour leur gestion seront lancés en temps utiles.
En même temps, nous avons entrepris avec nos partenaires pétroliers une approche de contenu local progressive et concertée qui vise à créer les conditions institutionnelles et règlementaires nécessaires pour implémenter une stratégie de contenu local réussie.
Le développement des ressources humaines et la disponibilisation d’une offre de services à même de répondre aux exigences des pétroliers seront des facteurs critiques, comme le seront la diversification de l’offre de services et la mise à niveau des entreprises locales.
Avec la guerre Russie-Ukraine et la crise énergétique – entre autres – qu’elle a provoquée, la Mauritanie n’envisage -t-elle pas d’accélérer le développement du champ gazier de BirAllah ?
Le champ BirAllah renferme des réserves gazières importantes de l’ordre de 50 TCF suffisantes pour le développement d’un projet de classe mondiale. Les partenaires du projet, à savoir BP, Kosmos et la SMH, ont lancé le processus pour la formulation du concept de développement du projet. Nous sommes tous d’accord qu’il faut faire vite et que les circonstances actuelles du marché international sont très favorables et doivent être mises à profit sans attendre.
La Mauritanie dispose-t-elle déjà d’une stratégie Gas-to-power, à l’instar du Sénégal avec qui vous partagez le champ GTA ?
Le schéma directeur du pétrole et du gaz, déjà mentionné, a identifié le Gas-to-power comme l’option majeure qui permet d’ancrer la vision énergétique du pays. Des objectifs de production d’électricité à partir du gaz ont été fixés à l’horizon 2024, 2027 et 2030. Pour cela, nous travaillons à court et à moyen terme sur la valorisation des champs gaziers de Banda et du gaz de GTA destinés à l’utilisation domestique et, à long terme, sur l’utilisation des ressources du gaz de BirAllah.
La Mauritanie a engagé une batterie de reformes dont l’objectif serait d’améliorer le climat des affaires. Pouvez-vous -vous nous donner une vue synoptique des sociétés extractives présentes en Mauritanie et quel serait leur plan d’investissement à moyen et long terme ?
Le climat des affaires en Mauritanie s’est considérablement amélioré. Vous avez assisté à la rencontre Energie-Mines au cours de laquelle les dirigeants des entreprises étrangères présentes en Mauritanie ont tous exprimé leur satisfaction à cet égard. Nous continuons à être une destination de choix pour les grandes entreprises pétrolières, BP, Shell, Total, et plusieurs grandes entreprises minières sont également présentes dans le domaine de l’or, du cuivre et du fer en joint-venture. Nous sommes confiants que la politique visant à faire de notre pays un hub énergétique et de production de minerais vert va encore renforcer l’attractivité de notre pays.
Par El hadji Ibrahima Dia